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Le problème des langues spéciales n’a été envisagé jusqu’ici que sous des points de vue étroits, partiellement par suite de la prédominance accordée à l’étude des argots européens. D’où l’on avait été conduit à ces conclusions, généralement admises encore, que les langues spéciales sont des formations aberrantes, des cas tératologiques, devant leur formation à des circonstances exceptionnelles. C’est ainsi entre autres que M. Sainéan[1] semble l’expliquer par une sorte de génération spontanée lorsqu’il dit «Aucun argot européen ne remonte au-delà du XVe siècle», alors que le fait est seulement qu’aucun des documents actuellement connus ne remonte au-delà de cette date. Mais comme dans les Serees de Guillaume Bouchet on voit rangés dans une même catégorie les argots des merciers, des mendiants et des voleurs, et que ces groupements sociaux secondaires ne datent évidemment pas de ce moment, il est normal d’admettre que ces argots existèrent aussi antérieurement.
C’est ce que vient démontrer ce fait que dans toutes les civilisations, les corporations des métiers et surtout les marchands possèdent des langues spéciales qui leur servent en définitive de moyen de défense contre l’acheteur. Ainsi l’examen du problème dans toute sa généralité, c’est-à-dire par utilisation de la méthode ethnographique, s’impose également sur ce domaine. Il est remarquable que Max Müller, qui s’intéressa aux tabous linguistiques, n’ait pas songé à faire des recherches générales dans ce sens. Et comme les travaux synthétiques de Fr. Müller, Wundt, Van Ginneken, etc. ne mentionnent pas le phénomène, les ethnographes spécialisés, bien que frappés à maintes reprises par l’universalité et l’importance des langues spéciales, n’ont pu le catégoriser à leur tour linguistiquement.
Pour une théorie des langues spéciales, il faut se rappeler qu’il existe dans la vie sociale des conditions spéciales, plus exactement des besoins collectifs spéciaux auxquels répondent des institutions déterminées. Ces besoins peuvent demeurer latents quelque temps, et jusqu’au moment où ils émergent dans les consciences individuelles leur satisfaction demeure potentielle. Mais du jour où l’émergence se produit souvent, à plus de reprises, et chez des individus plus nombreux, et de plus en plus rapprochés par de mêmes besoins, la tendance se manifeste, d’abord sporadiquement et timidement, puis avec une puissance peu à peu accrue, à l’unification des efforts en vue de la création d’institutions nouvelles nécessaires.
C’est ici que sera d’un grand secours l’ethnographie expérimentale. Je ne donne pas à ce mot un sens aussi absolu que dans les sciences naturelles en général, mais le sens restreint qu’il a dans certaines expériences de biologie, par exemple lorsqu’on étudie l’évolution et la manière de se comporter des êtres dans des milieux artificiels, eau salée, bouillons de culture, etc. C’est un tort de croire que l’eth-
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nographie n’est qu’une science d’observation après coup : en fait, quelqu’un qui désire observer un phénomène déterminé peut agir sur les groupes ou les individus sujets de l’observation en variant les conditions de l’observation, conditions psychologiques (par des questions ; par un choc à l’imitation, etc.) ou matérielles (par introduction d’éléments nouveaux de la civilisation matérielle). C’est ainsi que les missionnaires font inconsciemment de l’expérimentation ethnographique lorsqu’ils introduisent chez des peuples nus ou à demi-nus nos vêtements et notre conception de la pudeur, introduction dont les effets sociaux se marquent de proche en proche. C’est ainsi, encore, que l’apport de l’écriture arabe et de l’écriture européenne au Kamerun allemand a permis de suivre en détail la genèse de l’écriture de Njoya, roi du Bamum.
Pour le problème des langues spéciales, le fait dont il faut partir, et qui a été bien constaté à maintes reprises par les sémasiologues, c’est qu’un même mot appartenant à la langue générale n’a pas le même sens pour chacun des groupements restreints qui existent à l’intérieur de la société. C’est ainsi que le mot opération, comme l’a remarqué M. Bréal, change de sens selon qu’il est employé par un chirurgien, un militaire, un financier, un maître de calcul[2] ou un marchand de vin[3]. Il existe donc à l’intérieur de chaque langue commune autant do langues spéciales qu’il y a de métiers, de professions, de classes, bref de sociétés restreintes à l’intérieur de la société générale. La situation linguistique de chaque langue dépendra de la situation sociale du groupement qui la parle. Rapprochée par sa conformation de la langue générale s’il s’agit d’une profession reconnue, elle s’en éloignera plus ou moins selon que le groupement se trouvera en état d’antagonisme plus ou moins marqué vis-à-vis de la société générale. C’est pourquoi le langage spécial des voleurs différera le plus possible de la langue générale. C’est là, dans nos sociétés, le cas extrême de toute une série de langues spéciales.
Le problème se trouve donc posé sur ses vraies bases d’ordre sociologique : il s’agit de rechercher quelles sont, dans chaque société générale, les sociétés spéciales, et de déterminer la situation qu’elles occupent entre elles d’une part et vis-à-vis de la société commune de l’autre. C’est cette situation qui conditionnera le caractère plus ou moins secret, plus ou moins spécial de chaque langue restreinte.
L’enquête n’a de chances de conduire à des résultats valables que si elle porte non pas seulement sur nos sociétés modernes, où nombre de différences se sont atténuées ou ont fait place à d’autres, mais elle doit être largement comparative.
En outre toute classification des langues spéciales indépendamment des langues générales avec lesquelles elles coexistent risque de fausser les idées. La limitation de l’horizon constitue précisément le grave défaut à la fois, comme je l’ai dit, des travaux parus jusqu’à ce jour sur l’argot mais aussi de l’enquête entreprise autrefois sur les «langues secrètes» par la revue Am Urquell (vol. II à V) et de l’essai de systématisation de Richard Lasch.[4]
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Bien mieux, cet ethnographe semble même s’opposer (p. 14) à toute tentative d’explication des langues spéciales par leur rattachement à des catégories sociales déterminées : «On rencontre, dit-il, dans les sphères d’activité des hommes [opposés aux femmes] un grand nombre d’occupations au cours desquelles sont utilisées des formes de langage spéciales. Mais il serait prématuré de dériver leur existence uniquement des besoins spéciaux des métiers et occupations mêmes en question ; au contraire, ces motifs sont de beaucoup inférieurs en importance par rapport aux tabous linguistiques qui se basent sur les influences religieuses». Prise au pied de la lettre, cette opinion est exacte eu ce sens que les métiers et professions ne sont pas en effet, chez ces demi-civilisés, la condition suffisante pour la formation des langues spéciales ; mais elle est inexacte en ceci, que l’on n’a pas le droit de donner aux mots occupation, métier et activité quand il s’agit des demi-civilisés le sens uniquement profane qu’ils ont dans nos sociétés modernes.
Chez nous, les sociétés secondaires ou restreintes sont d’ordinaire constituées par des individus ayant même activité économique ; dans ce cas les langues spéciales prennent chez nous le caractère de simples terminologies Mais déjà le langage du prêtre présente un caractère plus complexe. Et si de proche en proche on remonte aux sociétés demi-civilisées, on constate une prédominance de plus en plus grande du caractère sacré de la plupart des langues spéciales.
Ce mot de sacré est pris ici dans le sens précis que lui a donné ces années dernières la science des religions ; il signifie à la fois : doué de puissance surnaturelle, impur, et mis à part (tabou, interdit). Il n’existe aucune différence de principe entre la langue de métier moderne et telle langue sacrée demi-civilisée : seulement le caractère spécial linguistique n’affecte pas les mêmes catégories sociales que chez nous.
Autrement dit, les sociétés restreintes qui existent à l’intérieur de nos sociétés générales no se rencontrent pas nécessairement chez les demi-civilisés, dont les sociétés générales, en revanche, contiennent des sociétés restreintes que nous n’avons pas, ou que nous n’avons que partiellement et à un degré moindre.
A. Langues spéciales sacrées. — On constate dans toutes les civilisations la coexistence d’une langue sacrée et d’une langue profane. Il va de soi que plus la société restreinte qui a pour spécialité l’activité sacrée est organisée, plus sa langue spéciale l’est aussi, au point d’être parfois une véritable langue tombée hors de l’usage général : c’est le cas du sanskrit dans l’Inde, du latin en pays catholiques, du vieux-slave en Russie, etc. et peut-être du sumérien dans l’Assyro-Babylonie ancienne. Ce procédé d’immobilisation d’une langue entière est le cas extrême d’uu procédé propre, plus ou moins, à toutes les langues sacrées. Toute la langue liturgique présente un caractère sacré d’autant plus facile à lui conserver que la
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société profane n’en fait pas usage. Que si l’on examine ce qui se passe dans des civilisations moins élaborées que celles énumérées ci-dessus, on découvre également l’existence de langues spéciales aux activités magico-religieuses ; mais ces langues sont moins développées ; elles consistent principalement en termes inintelligibles au profane soit parce que réellement archaïques, soit parce que forgés artificiellement au fur et à mesure des besoins. L’un et l’autre procédés sont souvent très visibles dans les incantations, les formules magiques, etc.
Ainsi, d’un bout à l’autre de l’humanité on trouve des langages sacrés d’un emploi réservé aux prêtres, aux magiciens ou à des individus quelconques pourvu que, au moment de l’usage, extraits par des rites appropriés du monde profane et munis de la puissance magico-religieuse nécessaire à quiconque veut faire partie temporairement du monde sacré.
On arrive ainsi à chercher quelles sont les autres activités et les situations qui peuvent présenter, à un moment donné, ce caractère sacré. Cette recherche est facilitée par les travaux parus en grand nombre ces dernières années sur les divers rites magico-religieux, d’où ressort que chez les demi-civilisés le domaine du sacré est beaucoup plus vaste que chez nous, au point qu’il n’est guère d’activité sociale qui ne participe à un moment ou à un autre du rite magico-religieux. Et chaque fois que ce fait se présente, il doit y avoir emploi, en théorie, d’un langage spécial, hypothèse que les données actuelles permettent de regarder comme exacte dans un très grand nombre de cas. Ces langages spéciaux usités temporairement présentent le plus souvent un caractère fragmentaire : ou du moins, sauf sporadiquement, ils ne sont constitués que par un nombre plus ou moins considérable de termes d’usage interdit, c’est-à-dire par des tabous linguistiques.
Le tabou peut frapper non seulement le nom des divinités proprement dites, mais aussi celui des divinités de toutes catégories : démons bienfaisants ou malfaisants, héros civilisateurs, et en général les divinités qui président aux diverses activités spéciales: accouchement, naissance, initiation, sacrifice, etc. Il atteint aussi les divinités zoomorphiques, phytomorphiques ou astrologiques ; et enfin les totems (divinités de clan), les protecteurs d’individus et de toutes sortes de groupements. Partout où le chef est regardé comme saint, et c’est là un fait dont la vaste diffusion a été démontrée par J.-G. Frazer, il existe un langage spécial quand on parle au chef ou aux membres de sa famille, ou quand on en parle. Il en est de même, comme je l’ai démontré eu détail pour Madagascar, quand il s’agit des morts ou de la mort. De même encore on emploie un langage spécial à propos de plantes, comme le riz en Indonésie, dont la culture présente un caractère sacré.
Nous arrivons ainsi au second domaine, celui des activités : il en est dans chaque société, un certain nombre qui portent avec netteté un caractère sacré. Telles la pêche et la chasse un peu partout, notamment les chasses rituelles totémiques. Dans l’Indonésie on trouve le langage sacré des chercheurs de camphre ou de bois d’aigle ; ailleurs on rencontre un langage de guerre spécial. Enfin dans cette même catégorie rentrent les langues des forgerons, qui occupent dans nombre de sociétés une position intermédiaire entre le monde profane et le monde sacré.
On peut en dire autant du langage des femmes, celui d’entre les langages spéciaux qui a le plus frappé les observateurs et à leur suite les théoriciens. En fait l’existence d’une langue spéciale aux femmes s’explique normalement par la situation même de la femme dans les sociétés demi-civilisées. En principe, elle n’appartient pas à la société générale, laquelle n’est constituée que par les hommes ayant passé par les rites d’agrégation à la communauté.
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Elle rentre ainsi dans la même catégorie que l’étranger. Or l’étranger et la femme possèdent intrinsèquement une qualité magico-religieuse spéciale, toujours considérée comme maléficiente, ainsi qu’il a été démontré par J.-G. Frazer, H. Grierson, moi-même, Crawley, etc. Les raisons de détail de ce point de vue n’importent pas ici, mais seulement ce fait qu’elles sont d’ordre magico-religieux et que, étant donné un groupement homogène formé d’hommes adultes, il est normal que les individus non agrégés à ce groupement parlent une langue différente de la langue du groupement en question.
En règle générale, tout groupement formé d’individus ayant mêmes intérêts et mêmes activités tend à demeurer homogène et à se protéger contre l’intrusion d’éléments hétérogènes. Or un clan est par essence un tel groupement, et tendra par suite à s’isoler par tous les moyens possibles, le moyen linguistique étant l’un des plus puissants. Cette tendance se rencontre ensuite dans la tribu, puis dans le conglomérat de tribus et de proche en proche jusque dans le peuple et la nation. Parallèlement se marque la tendance de ceux qui demeurent en dehors à former eux aussi un groupement armé pour son propre maintien.
Le mécanisme et les raisons d’être de la formation des langues spéciales sacrées se marque surtout avec netteté dans celle des langues dites «secrètes» ou «d’initiation». Ces langues ont été l’objet de recherches assez étendues, surtout quant à leur vocabulaire, mais on ne semble pas avoir jusqu’ici compris leur place logique dans l’ensemble des rites d’initiation. Par ce terme on entend les rites qui accompagnent, sanctifient et légalisent le passage d’une classe d’âge à une autre, ou d’une classe mystique à une autre (mystères). Or ces rites ont pour objet : 1° de séparer le novice de son milieu antérieur ; 2° de l’agréger à un milieu nouveau ; 3° de le réintégrer dans le milieu général. Au point de vue linguistique le processus se décompose ainsi : 1° oubli de la langue antérieure (langage enfantin, langue des femmes, langue générale vulgaire) ; 2° assimilation de la langue du milieu nouveau (langue secrète, langage mystique, langue théologique) ; 3° retour à la langue vulgaire et générale, avec conservation à un certain nombre de mots vulgaires d’un sens spécial, ou conservation de tout un langage spécial à utiliser seulement dans des circonstances données et avec des individus donnés. On verra, en appliquant ce schéma aux cas spéciaux, par exemple aux langues «secrètes» du Bas-Congo[5], qu’il rend intelligible le fait linguistique en lui donnant sa vraie place parmi tout un ensemble complexe de faits d’un caractère social général et magico-religieux spécial. Dans ce cas encore la «langue secrète» est, non pas un produit aberrant, mais une résultante normale de nécessités sociales générales.
Il en est de même encore de la langue des enfants. Les enfants forment, même dans nos sociétés où il n’y a plus de classes d’âge hiérarchisées, une société spéciale, ayant ses tendances propres qui sont nettement individualistes. Le langage des enfants est sans doute soumis à des facteurs physiologiques ; mais on verra souvent les enfants conserver entre eux un langage propre (fait frappant surtout dans les familles nombreuses, dans les écoles) qui n’est autre qu’un moyen de défense à l’égard des adultes, considérés comme oppresseurs, ou en tout cas comme personnes à éviter. Dans les sociétés demi-civilisées, les enfants rentrent dans la même catégorie que les femmes et emploient leur langage spécial, qu’ils doivent ensuite désapprendre lors des rites de passage à la première classe d’âge. Dans certains
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cas, les enfants demi-civilisés possèdent encore un langage propre coexistant avec celui des femmes : il rentre alors dans la catégorie suivante, celle des langues profanes.
B. Langues spéciales profanes. — Le point extrême de développement de la langue des enfants, c’est la langue spéciale des étudiants, qu’on peut regarder comme une survivance d’une classe d’âge et des langues secrètes d’initiation, en tenant compte de ce fait fondamental que ces langues spéciales modernes n’ont aucun caractère sacré, non plus que les expressions du passage de l’adolescence à l’âge mûr.
Les langues enfantines des demi-civilisés n’ont guère été étudiées encore. En tout cas on doit rejeter absolument la théorie de M. Lasch, qui, d’accord avec Haie, regarde le langage des enfants comme le résultat d’un «instinct de jeu», identifie, suivant un cliché vraiment trop usé, le sauvage à l’enfant et regarde en définitive ce même «instinct de jeu» comme «la force interne» qui a amené la formation de toutes les langues spéciales[6].
Ce n’est pas le lieu de démontrer que le célèbre «instinct de jeu» de l’enfant et du sauvage n’est qu’une invention des psychologues introspectifs. Depuis les travaux des biologistes sur l’instinct, et de ceux de Karl Groos sur les Jeux des animaux[7] et les jeux des hommes, fondés sur des documents bien critiqués et sur des connaissances approfondies en biologie, on sait que les actes animaux, enfantins et humains qu’on regardait comme une dépense désintéressée d’activité ne sont que des adaptations préalables à une fin utile ultérieure, des pré-exercices. Or c’est bien cet élément d’utilité que j’espère avoir fait ressortir au cours de cet exposé et qui est leur vrai but. M. R. Lasch prétend que les langues des enfants ne sont que des “ amusements» ; et c’est dans cette même catégorie qu’il classe une langue spéciale des Maori dont cependant Taylor précise le but : «They have another amusement, which consists in rendering their conversation unintelligible to strangers».
Ce même caractère d’utilité se marque dans les langues de métiers, sur lesquelles il n’est pas nécessaire d’insister longuement. Quelques-unes d’entre elles participent du caractère sacré du métier et des gens qui s’y adonnent, ainsi qu’il a été dit ci-dessus (pêcheurs, chercheurs de camphre, forgerons). L’une des plus connues est celle des maçons et tailleurs de pierres, qui constituaient dès l’époque grecque une corporation très fermée et très individualisée. Ces langues de métier prennent, au fur et à mesure du développement culturel, le caractère de simples terminologies.
Là où les métiers et les professions constituent des sociétés spéciales bien délimitées à l’intérieur de la société générale, le langage spécial prend au contraire un caractère très accusé. Tel est le cas partout où existe le système des castes (Inde, Afrique Occidentale). Et ceci nous conduit à rechercher le lien qui peut exister entre la race, la profession et la langue. Les forgerons fournissent, pour plusieurs régions de l’Afrique un cas typique ; c’est ainsi que les Wandorobbo, qui vivent au milieu des Masaï, sont forgerons, parlent leur langue propre, à ce qu’il semble non hamitique, et sont d’une autre race que les Masaï. Ce cas montre donc la combinaison de trois éléments dont j’ai parlé : caractère sacré, spécialisation de métier, séparation de l’étranger. On comparera encore le cas des Tsiganes, spécialement
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adonnés à la chaudronnerie et gardant, par procédé de défense, leurs dialectes composites au milieu des autres langues générales. A l’intérieur même de toute la collectivité tsigane prise en bloc on note des spécialisations linguistiques, causées d’une part par la pression des langues générales ambiantes et de l’autre par l’introduction dans la collectivité d’éléments hétérogènes (voleurs, assassins, out-laws de toute sorte). Ainsi le tsigane primitif s’est en diverses régions d’Europe transformé eu cette sorte de langue spéciale qu’on qualifiera plus étroitement «d’argot». La constitution, avec le développement actuel de notre civilisation, de toute une catégorie de femmes spéciale, celle des prostituées, a également entraîné la formation d’un argot spécial.
* * *
Je passe à l’examen de l’aspect proprement linguistique du problème.
Comment, au point de vue linguistique strict, les langues spéciales sont-elles constituées ? A cette question M. Lasch ne répond que comme suit :
Il distingue quatre procédés :
1° La périphrase : au lieu de «soleil» on dira «le brillant» ; au lieu de bois, «ce qui se porte sur l’épaule».
2° L’emprunt à des langues étrangères : la langue des femmes caraïbes contient des éléments arawak.
3° Les archaïsmes (langue des prêtres dajak, etc.).
4° La modification par métathèse, incorporation ou redoublement de sons et de syllabes (javanais des prostituées ; langue des enfants, etc.).
Ce classement est certes exact mais ne me semble pas d’une grande utilité pour le problème même des langues spéciales. Il n’est pas un seul de ces procédés eu effet qui ne soit appliqué également dans la formation des langues ordinaires : le grec ou le français par exemple font usage de la périphrase, de l’emprunt aux langues étrangères, des archaïsmes, des métathèses, des redoublements, etc. ; ce qui prouve une fois de plus que la langue spéciale est un phénomène normal.
Plus utile serait déjà une détermination exacte du rôle de l’analogie dans la formation des langues spéciales.
En tout cas, étant donné que spécial s’oppose à général, il s’agit de classer les faits conformément aux termes du problème. Il me semble donc plus rationnel de distinguer dans chaque langue spéciale :
a) Les mots qui se rattachent à un radical non en usage dans la langue générale du moment considéré ; dans cette catégorie rentrent les mots étrangers, les mots archaïques, les mots inventés< de toutes pièces (d’ordinaire par formation analogique).
b) Les mots formés d’éléments en usage dans la langue générale : ce sont d’ordinaire des qualificatifs, ou encore des mots communs transformés par métathèse, insertion de syllabes ad libitum, redoublement.
Il est souvent difficile de discerner à première vue dans laquelle de ces deux catégories rentre un mot spécial donné; j’ai tâché naguère de le faire pour les vocabulaires malgaches relatifs aux chefs et aux morts, sans y réussir. C’est donc affaire à chaque spécialiste de dresser la liste des mots d’après leur appartenance ou non à la langue commune.
Cependant chacun, même avec les documents si souvent insuffisants qu’on possède sur les langues non indo-européennes ni sémitiques peut arriver assez aisément à reconnaître les qualificatifs. Et ce travail déjà en vaut la peine, car trop
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souvent les observateurs affirment eu toute bonne foi que tels ou tels mots sont fabriqués de toutes pièces, alors que des recherches comparatives montrent qu’ils sont la simple mise en œuvre d’éléments appartenant à la langue commune. C’est ainsi que Miss Werner[8] s’est donné la peine de rechercher les radicaux Zoulous auxquels se rattachent les mots hlonipa (taboués) donnés par Colenso dans son Dictionnaire et qu’elle a réussi à trouver l’origine de la plupart d’entre eux. Ici encore il s’agit de qualificatifs. Or certains observateurs sont portés à exagérer l’influence des mots taboués sur la variation des dialectes[9], alors que d’autre part trop de linguistes l’ignorent totalement et dressent des tableaux de concordance des mots sans tenir compte de l’influence possible de ces facteurs de discordance, influence déjà relevée par Herdeland dans son Dictionnaire Dajak et par Kern. Ce savant notamment a attiré l’attention sur un procédé oublié par M. Lasch, et qu’on peut appeler le procédé par remplacement : en Galélaré au lieu de o sahè, tête, on dira o hutu, cheveu ; c’est-à-dire qu’on prendra la partie pour le tout ; ou le contenu pour le contenant[10], etc. Les mêmes conclusions découlent des recherches de A. Meillet[11] sur les noms de l’ours, du serpent, de la souris, du renard, etc., pour droit et gauche dans les langues indo-européennes, et de Miss Werner[12] sur les mots pour soleil, pour lune, pour droit et pour gauche dans les langues bantou. La périphrase est le procédé le plus employé ; mais concurremment on rencontre des radicaux distincts. J’ajouterai que le qualificatif comme nom propre de divinité est d’un usage extrêmement fréquent (cf. Usener, Götternamen).
Il y a donc lieu de noter que sur ce point la langue spéciale peut rester en contact permanent avec la langue générale, même si le vocabulaire spécial présente un caractère sacré proprement dit. Par là même la langue spéciale se montre ce qu’elle est en réalité : non pas un jeu ni un amusement, mais une forme particulière d’un processus linguistique universel et fondamental.[13] De plus la langue spéciale peut se marquer aussi, non seulement dans le vocabulaire, mais aussi dans la morphologie. C’est ce qu’a bien vu J. G. Frazer. Avec R. Brugmann, J. G. Frazer distingue le genre subjectif et le genre objectif, le premier indiquant le genre de celui qui parle, le second le genre de l’être ou de l’objet dont il est parlé. Supposez maintenant, et connaissant l’existence si répandue chez les demi-civilisés de la coexistence d’une langue spéciale aux hommes et d’une langue spéciale aux femmes, supposez que les hommes du Latium aient dit equus pour cheval et les femmes equa, tout comme les hommes Arawak disent tase pour certainement et les femmes tara.
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Ici le genre est encore subjectif. Mais peu à peu on aurait adopté uu système transactionnel, la nécessité des doublets cessant d’être évidente. On en serait alors arrivé au genre objectif, equus désignant le cheval et equa la jument ; enfin us et a seraient devenus, par abstraction, les indications du genre.
Or, en dehors du parallèle arawak, je ne connais pas de faits où le passage du genre subjectif au genre objectif se marque sur le même radical. En général, le vocabulaire diffère du tout au tout[14].
L’hypothèse de Frazer ne va donc pas, quelque séduisante qu’elle soit, sans soulever nombre d’objections. Et surtout, la différence quant au caractère subjectif ou objectif ne porte pas seulement sur le genre. Le genre linguistique n’est en fait qu’un fragment d’un système de classification des êtres et des choses et dont il faut tenir compte. Le classement des êtres et des choses d’après le sexe, qui se marque dans la langue par le genre, se complète chez un très grand nombre de peuples par un classement fondé sur d’autres qualités : grandeur ou petitesse, intelligence, raison ou instinct, classes d’âge classes sociales, classes de parenté, classes politiques, et enfin catégories naturelles (terre, ciel, etc. ; orients et points cardinaux).
Que ces classifications, à bases diverses, puissent avoir une influence sur la langue, cela est admissible à priori. Voici du moins quelques cas très nets, qui prouvent qu’ils peuvent en avoir à la fois sur le vocabulaire et sur la terminologie, et ceci autant dans les langues spéciales que dans les langues générales.
Pour les individus apparentés, ce qui compte dans la vie, ce n’est pas le sexe, et dans la langue, ce n’est pas le «genre» subjectif ou objectif, mais le degré de parenté qui est objectif et subjectif à la fois. C’est pourquoi le système «classificatoire» influe par exemple sur la langue chez les Stlatlumh de la Colombie britannique : un même mot signifie grand-grand-père ou grand-grand-mère ; grand-père ou grand-mère ; petit-fils pu petite-fille ou petit-neveu ; fils, fille ou enfant. Ici le genre linguistique à base sexuelle n’existe même pas, le seul cas où M. Hill-Tout l’ait noté étant celui de mon fils (ten skōza) et ma fille (tin skōza), où le genre se marque par un changement de voyelle dans le pronom possessif[15].
Même possibilité d’action pour la formation du pluriel : «Les seuls noms hupa [Californie] qui changent de forme pour indiquer le pluriel sont ceux qui classent les êtres humains d’après leur sexe et leur situation dans la vie, ainsi que les termes de parenté[16]» bien que cependant l’usage du pluriel, même avec ces mots, soit rare.
D’autre part, «le verbe hupa possède, outre les formes ordinaires du nombre (sing. duel, plur.) une forme spéciale de la troisième personne pour parler d’un enfant hupa ou d’une personne très âgée ou pour parler à des membres d’autres
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tribus, ou d’autres races, ou aux animaux». Autrement dit : cette forme spéciale s’emploie lorsqu’il s’agit d’êtres n’appartenant pas à la communauté adulte, centrale, de la tribu.
Ce dernier fait est très instructif: sur un point au moins la langue hupa générale présente un caractère typique des langues dites secrètes et parlées en règle générale par un groupe spécial à l'intérieur d’un groupe général. Il y a donc lieu de se demander si le fait linguistique relevé dans le hupa n’est pas l’indice d’un point de vue normalement répandu chez les demi-civilisés se trouvant à un stade social et linguistique moins avancé.
Je fais allusion à la multiplicité des dialectes chez certains peuples, multiplicité proprement étonnante parfois. Ainsi le moindre groupement australien possède son dialecte propre, parlé parfois par une vingtaine de personnes seulement. J’ignore le nombre exact de ces dialectes australiens, mais il dépasse certainement 200 pour quelques milliers d’individus en tout[17]. De même à Timor, Crawfurd comptait 40 dialectes pour 100.000 individus, et en Nouvelle-Guinée, Erdweg trouvait 4 dialectes pour 204 habitants répartis en 4 villages[18]. Des langages non fixés par l’écriture sont comme de juste sujets à une plus grande variabilité : mais si l’on ne se contente pas de cette constatation d’ordre vague, si on examine d’un peu près par exemple le maintien du dialecte arunta à côté du dialecte urabunna et du dialecte dieri dans l’Australie centrale ou s’étonne qu’il n’y ait pas fusion étant données les relations constantes entre les membres de ces très petits groupements. Et ceci vaut pour tous les dialectes australiens de proche en proche. Le fait hupa suggère alors l’interprétation suivante : chaque dialecte n’assumerait-il pas la fonction d’une langue spéciale vis-à-vis de tous les autres, malgré l’absence d’une langue générale proprement dite, langue spéciale consciemment voulue telle en tant que facteur vital du maintien et de l’autonomie du groupement parlant ce dialecte[19] ? Ce caractère serait la forme de début d’une évolution qui atteint sa forme définitive avec nos langues «nationales» d’Europe (cf. le polonais, le ruthène, etc., comme éléments vitaux des nationalités polonaise et ruthène).
En ce sens la notion de «langue spéciale» ne devient plus, quand il s’agit de demi-civilisés, qu’une notion relative. Et nous obtenons ainsi comme une gradation partant de la langue spéciale d’un tout petit groupement d’apparentés localisé à la langue, générale de toute une nation et passant par : a) le langage des sexes ; b) le langage des âges, c) le langage des occupations, tous ces langages pouvant soit appartenir strictement à la catégorie sacrée ou à la catégorie profane, ou appartenir aux deux à la fois.
Le langage spécial perd ainsi définitivement son caractère de “jeu» et de «phénomène anormal», mais vient au contraire prendre place dans le développement linguistique normal, comme corollaire du sectionnement, lui aussi normal, des sociétés générales en sociétés secondaires. Or, de même que ces sociétés ont pour règles internes des règles qui valent pour la société entière (sinon elles s’eu détacheraient pour former des sociétés autonomes), do même les langues spéciales suivent les règles fondamentales de la langue générale à laquelle elles sont liées.
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Aussi voit-on le caractère de spécialité ne porter que sur des éléments déterminés, soit sur une partie du vocabulaire général, soit sur certains éléments (pronom, ou conjonction, ou formes verbales, ou manque du genre ou du nombre, etc.), mais non sur les caractères fondamentaux. Du moins je ne connais pas de cas précis où la langue spéciale, (des femmes, des initiés, des professions, etc.), posséderait une syntaxe propre. Et si un tel cas existe, j’y verrais plus volontiers un cas d’introduction du dehors (par mise en esclavage des femmes de toute une tribu vaincue) ou un cas de convergence (par fusion de deux groupements originairement distincts) qu’un cas de langue spéciale. Cette observation vaut notamment pour un certain nombre de «langues tsiganes[20]».
II est évident, cependant, qu’en l’état actuel de nos connaissances, toute affirmation absolue serait prématurée. C’est pourquoi on ne saurait assez recommander à tons ceux qui sont à même de le faire, d’entreprendre des recherches approfondies, non pas seulement, comme jusqu’ici, sur le vocabulaire des langues spéciales, mais surtout sur leur mécanisme interne.
Que si maintenant on se place au point de vue de l’histoire universelle des civilisations, on constate que les langues spéciales ont une raison d’être biologique : elles ne sont que l’un des innombrables moyens par lesquels les collectivités de tout ordre maintiennent leur existence et résistent aux pressions de l’extérieur. Elles sont à la fois un moyen de cohésion pour ceux qui les emploient, et un moyen de défense contre l’étranger, ce mot pris au sens vaste qu’ou doit lui donner en ethnographie, et dont quelques nuances ont été indiquées ci-dessus, la notion d’étranger se marquant autant dans le domaine de la parenté, de l’âge, de la religion, du droit, que dans le domaine politique. L’un des caractères par quoi se différencie l’étranger sera, eu outre de la couleur de peau, du faciès, du costume : la langue.
Ainsi la langue spéciale joue à l'intérieur de la société générale le rôle que chaque langue générale joue vis-à-vis des autres langues générales. C’est l’une des formes de différentiation, formes voulues, et nécessaires à la vie même en société.
Et l’on remarquera que cette interprétation d’un phénomène limité (limité comme phénomène linguistique d’abord, puis comme phénomène linguistique spécial), vaut pour un grand nombre d’autres institutions, elles aussi limitées à deux degrés. Elle vaut pour les classes matrimoniales, pour les classes d’âge, pour les phratries, pour les clans totémiques, pour les divers systèmes d’organisation familiale, pour les castes, etc., toutes organisations partielles à l’intérieur d’organisations générales opposées, elles aussi les unes aux autres. D’un mot : ces diverses institutions répondent en même temps à la double tendance de cohésion et de différentiation collectives.
[1] L. Sainéan, L'argot ancien, Paris, 1907, pp. 11 et 5.
[2] M. Bréal, Essai de sémantique, 2e éd. p. 285 et suiv.
[3] A. Meillet, Comment les noms changent de sens. Année Sociologique, T. IX, p. 14, où l'on trouvera encore cités : Duvau, Mém. Soc. de Ling. XIII, 234 et suiv. ; Meringer, Indog. Forsch., XVII; Roques, Journal des Savants, 1905 ; etc.
[4] R. Lasch, Ueber Sondersprachen und ihre Entstehung, Extrait (36 pages) des Mitteilungen de la Société Anthropologique de Vienne, 1907. Voici, en outre de la plupart des travaux cités dans les notes du présent Essai, quelques indications bibliographiques complémentaires à l'intéressant mémoire de M. Lasch :
V. I. Iochelson, Po rièkam Iasacˇnoï i Korkodonu, Izv. de la Soc, Russe de géogr. 1898, liv. 3, p. 258 (Youkaghires : tabous linguistiques en relation avec le système classificatoire ; langue des hommes et langue des femmes).
Sieroszewski, Le chamanisme chez les Yakoutes. Revue de l’Histoire des Religions, 1902, T. II, p. 219-220 (tabous linguistiques intéressants, du chamane, etc.).
Casalis, Etudes sur la langue sechuana, Paris 1841, p. 49 «euphémismes».
M. Cartwright, Folk-Lore of the Dasuto, Folk-Lore, 1904, p. 258 (tabous linguistiques relatifs aux morts).
Dawson, Australian Aborigines, Melbourne, 1881, p. 29-20 (tabou linguistique entre belle-mère et gendre).
P. Sébillot, Le Folk-Lore des Pêcheurs, Paris 1903, passim (tabous linguistiques des pécheurs, surtout de France et d'Angleterre) ; Le Folk-Lore de France, (index, s. v. mots et nom).
A. von Kremer, Egypte, Leipzig, 1863, T. I., p. 103 (langage de voleurs arabes).
[5] E. de Jonghe, Les sociétés secrètes au Bas-Congo, Bruxelles, 1907. Ces faits n'ont pas été compris par Webster, Secret Societies, New-York, 1908, p. 42.
[6] Loc. cit. pp. 3, 12, 35.
[7] Trad. française, Paris 1902.
[8] A. Werner, The custom of hlonipa in its influence on language, Jl. Afr. Soc. n° XV (Avril 1905) pp. 346-356.
[9] Cf. mon Tabou et Totémisme à Madagascar, Paris, 1904, pp. 112-113.
[10] Kern, Woordverwisseling in het Galelareesch, Bijdr. T. L. Vk. Ned. 1., 1893. p. 120-128.
[11] A. Meillet, Quelques hypothèses sur des interdictions de vocabulaire dans les langues indo- européennes, 1905.
[12] A. Werner, Note on the terms used for “right hand „ and “left hand „ in the Bantu languages, Jl. Afr. Soc. n° XIII (1904) p. 112-116 ; complété pour les langues du Congo par Stapleton, ib. n° XVI (19 ) p. 431-433).
[13] C’est ce que n’a pas vu R. Brandstetter, Ein Prodromus su einem vergleichenden Worterbuch der mal.-pol. Sprachen, Lucerne, 1905 qui s’est contenté pp. 69-73 d’amorcer l’étude comparée des tabous linguistiques dans les langues malayo-polynésiennes, sans connaître mes recherches sur ceux de Madagascar, où il aurait trouvé des indications suffisantes de méthode; cf. Tabou et Totémisme à Madagascar (Paris, 1904) pp. 105-113 (langage relatif au chef); 151- 153 (tabous linguistiques de caste et de clan) ; 190-191 et 247) (langage peut-être héraldique, en tout cas magico-religieux et économique) et à l'index, s. v. linguistiques (tabous).
[14] Cf. pour d’autres faits, mon analyse du mémoire de Frazer dans la Revue des Idées, 1004, sous le titre : Le genre des mots. Cf. encore le fait suivant, typique du processus de changement de genre d'un mot sous l’influence de représentations mythologiques : “ Quand les Romains ont commencé de se représenter l’Amour sous l’apparence d’un jeune garçon armé d’un arc et sous les traits de l’Eros grec, ils ont changé l’idée du mot latin Cupido ; mais ils ont gardé le nom, quoique nom féminin comme libido, dulcedon. Bréal, Pour mieux connaître Homère, Paris 1906, p. 266.
[15] C. Hill Tout, Report on the Ethnoloyy of the Stlatlumth, Jl. Anthrop. Inst., 1905, pp. 160 et 206. La formation, si répandue, du masculin et du féminin par adjonction des mots pour mâle et femelle n’entre pas ici en ligne de compte.
[16] P. E. Goddard, Morphology of the hupa language, Berkeley, Univ. Cal. III, 1905. p. 24; l’auteur renvoie, pour un cas analogue de limitation dans l’usage du pluriel, à un mémoire du P. Morice sur les Indiens des Carrières, Trans. Can. Inst., T. I, n° 2, p. 184.
[17] Cf. entre autres les listes de Curr, The Australian Race, 3 vol., 1886.
[18] Cités par Laseh, loc. cit. p. 2, du tir. à part, note 2.
[19] Je rappelle que «chaque fraternité [société magico-religieuse] Zuni emploie un dialecte différent de celui des autres» Mrs Stevenson, 24th Ann. Rep. Bur. Ethnol. Wash., p. XV. Mais je ne sais s’il s'agit d’un dialecte proprement dit ou d'une langue secrète de société d'initiés du type ordinaire, c'est-à-dire à syntaxe conforme à celle de la langue générale.
[20] Telle la langue secrète spéciale aux anciens magiciens celtes et devenue ensuite langage spécial des rétameurs, Tsiganes, etc. anglais ; cf. Leland, The Tinkers' Talk, Journal Gypsy Lore Soc., N. Sér. T. I. (1007-08) pp. 168-1S0. Le cas est moins net pour d'autres langues «tsiganes», mais ceci peut-être par suite de l'insuffisance de nos connaissances tsiganologiques.